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Les incendies en Australie observés depuis l'espace

2020-02-07

Au cours des mois précédents, les incendies d’une ampleur exceptionnelle en Australie ont été fréquemment mentionnés dans les médias. L'Institut royal d'Aéronomie Spatiale de Belgique, est impliqué dans les instruments spatiaux et terrestres qui peuvent détecter , de manière indirecte, ces incendies depuis l'espace. Mais qu'est-ce que cela signifie exactement, et en quoi ces observations sont-elles pertinentes?

Quel genre d'instrument peut détecter les incendies depuis l'espace ?

L’IASB est fortement impliqué dans le traitement et la validation des données collectées par TROPOMI, l'instrument scientifique à bord du satellite Sentinel-5P. Ce satellite est en orbite autour de la Terre à environ 800 km d'altitude, et survole les pôles Nord et Sud environ seize fois par jour. Au cours de chaque orbite, l'instrument capte la lumière solaire réfléchie sur la surface de la Terre sur une zone de 2600 km de large, et avec une  résolution incroyablement précise (allant jusqu'à 3,5x5 km2) compte tenu de la distance à laquelle se trouve le satellite. Dans cette configuration, il balaie quotidiennement presque tous les endroits de la Terre, et nous donne une vue très détaillée de l'état de l’atmosphère globale.

Qu’avons-nous vu?

L'instrument TROPOMI enregistre une large gamme de longueurs d'onde, de l'ultraviolet à l'infrarouge. En plus de voir une présence accrue de fumée et de particules de poussière, qui sont également visibles à l'œil nu, le satellite peut détecter la présence de feux dans une lumière invisible à nos yeux. Dans le cas des incendies en Australie, il peut détecter les feux grâce à la présence fortement accrue de gaz atmosphériques qui sont produits lors de la combustion massive de végétaux : monoxyde de carbone (CO), formaldéhyde (HCHO), méthane (CH4) et oxydes d'azote (NOx), entre autres. Chacun de ces gaz influence à sa manière la lumière solaire réfléchie qui est captée par TROPOMI. Cela nous permet de déduire la concentration de chaque gaz séparément. En outre, TROPOMI ne mesure pas les concentrations à la surface de la Terre (là où nous vivons), mais nous fournit des quantités de constituants atmosphériques moyennées verticalement. Cela signifie que les données représentent la quantité totale de gaz entre la surface et la limite supérieure de l'atmosphère, un peu comme si vous écrasiez une tranche d'un grand gâteau à étages en une crêpe.

TROPOMI a détecté de très grandes quantités de monoxyde de carbone (CO) au-dessus du sud-est de l'Australie (voir figure 1), qui ont ensuite été transportées par les vents au-dessus de l'océan Pacifique vers l'Amérique du Sud. Le monoxyde de carbone est produit lors d'une combustion incomplète (lorsqu'il n'y a pas assez d'oxygène présent) et est un gaz toxique. Les valeurs mesurées par le satellite représentent des quantités moyennes verticales et ne doivent pas être comparées directement aux concentrations éventuellement toxiques mesurées près de la surface. La figure 1 montre les panaches de CO générés par l'incendie, et comment ces panaches sont transportés sur de longues distances avant d'être dissous dans l'atmosphère.

Australia Wildfires
Figure 1: Évolution des émissions de monoxyde de carbone des incendies australiens. De très larges panaches de CO peuvent être observés pendant la première moitié du mois de janvier, traversant l'océan Pacifique et atteignant l'Amérique du Sud.

Un autre gaz produit par les feux de forêt,  le formaldéhyde, est également observé par TROPOMI. Comme pour le CO, les grandes quantités de formaldéhyde provenant des incendies australiens sont clairement visibles sur l'image du 1er janvier 2020 (voir figure 2). Par rapport au CO, le formaldéhyde se dissout rapidement dans l'atmosphère par interaction avec d'autres gaz, et il est rare que le formaldéhyde soit transporté sur des distances aussi importantes.

Le panache de formaldéhyde a également été observé par une station au sol à Lauder, en Nouvelle-Zélande (voir figure 4). Peu d'endroits sur Terre sont équipés d'instruments hautement spécialisés qui peuvent mesurer des données similaires à celles de TROPOMI : des mesures de gaz atmosphériques moyennées verticalement. Ces mesures au sol sont utilisées pour évaluer la qualité des données satellitaires. Dans ce cas particulier, les deux mesures concordent,nous pouvons donc être sûrs qu'elles reflètent la réalité. L’IASB est fortement impliqué dans les réseaux qui fournissent de telles données au sol, par exemple le “Network for the Detection of Atmospheric Composition Change” (NDACC) et le “Total Carbon Column Observing Network” (TCCON).

Lauder
Figure 4: Observations au sol du formaldéhyde à Lauder, Nouvelle-Zélande, pour l'année 2019, par Dan Smale (NIWA- Institut national de recherche sur l'eau et l'atmosphère). Un pic dans les données peut être observé vers le 31 décembre 2019, alors que le panache d'émissions des incendies australiens passe au-dessus du pays. Cela confirme les observations de TROPOMI présentées dans la figure 2 et 3, où l'on voit clairement le formaldéhyde passer au-dessus du sud de la Nouvelle-Zélande, où se trouve Lauder.

À quoi servent les données de TROPOMI ?

Le satellite Sentinel-5P fait partie de la composante spatiale du programme Copernicus, coordonné par la Commission européenne. Le programme utilise un ensemble de satellites spécialisés (voir la figure 5 pour la photo de la famille Sentinel -) et des observations in situ pour nous aider à mieux comprendre le système complexe de la planète que nous habitons. Les informations fournies par les services Copernicus sont très précieuses car elles ont un impact dans de nombreux domaines de notre vie quotidienne, de la santé humaine à la surveillance du milieu marin, du changement climatique à la gestion des catastrophes, et bien d'autres encore.

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Figure 2: Un panache de gaz de formaldéhyde se déplaçant vers le sud-est au-dessus de la Nouvelle-Zélande.
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Figure 3: Concentration moyenne de formaldéhyde (HCHO) pendant la période du 1er au 5 janvier 2020. Les données moyennes des panaches de HCHO semblent plus diffuses, en partie à cause de la courte durée de vie du gaz, mais elles sont pourtant un indice des émissions à très grande échelle.
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Figure 5: Une famille de ‘Sentinels’ dédiée au programme européen Copernicus pour l'observation de la Terre. Crédit : ESA.