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Le volcan le plus dangereux d'Afrique peut entrer en éruption sans signaux précurseurs clairs

2022-08-31

Le 22 mai 2021, le volcan Nyiragongo (RD Congo) entrait en éruption. Les coulées de lave ont détruit une partie de la ville de Goma et des milliers de personnes ont pris la fuite. Dans une étude publiée dans Nature, une équipe internationale de chercheurs montre que cette éruption ne pouvait être prédite.

Une éruption qui a semé la panique

Goma le 22 mai 2021. Peu avant 19h (heure locale), des habitants de cette ville d’un million d’habitants de l’est de la RD Congo donnent l'alarme. Ils assistent à l'apparition d'une coulée de lave provenant d'une fissure sur le flanc du volcan Nyiragongo.

L'éruption a surpris tout le monde et la confusion ainsi que le manque d'anticipation ont compliqué la gestion des premières heures de la crise. Alors que la coulée de lave dévastait une zone densément peuplée, une intense sismicité a commencé, persistant pendant plusieurs jours, causant des dégâts aux villes frontalières Goma (RDC) et Gisenyi (Rwanda), ajoutant à la panique, et provoquant l'évacuation spontanée d'une partie de la population.

L’éruption n’a duré que quelques heures ; les coulées de lave ont fait des dégâts, mais d’une ampleur bien moindre que lors de la dernière éruption en 2002, où près de 10 % de la ville avait été dévasté.

Une éruption atypique

« Les éruptions volcaniques sont classiquement précédées d’une montée en pression du système d’alimentation magmatique, marquée par de la sismicité, une augmentation des émissions de gaz, et un gonflement de l’édifice volcanique », explique Delphine Smittarello, chercheuse au Centre européen de Géodynamique et de Séismologie au Luxembourg.

« Pour alerter de l’imminence d’une éruption, les observatoires volcanologiques surveillent généralement la sismicité, les déformations du sol et les émissions gazeuses traduisant le déplacement de magma dans la croûte terrestre. Cette éruption du Nyiragongo n’était précédée d’aucun de ces signaux précurseurs habituels, et ce malgré une surveillance continue par des réseaux d’instruments au sol et de capteurs satellitaires.  A posteriori, les enregistrements sismiques ont montré que les premiers événements marquant une activité inhabituelle ont débuté moins de 40 minutes avant les premières coulées de lave. Ce très court délai entre premiers séismes et éruption sur le flanc nous indique que le magma n'a donc eu besoin que de très peu de temps pour atteindre la surface car déjà stocké à faible profondeur », selon la chercheuse.

Adalbert Muhindo, directeur de l’Observatoire volcanologique de Goma (OVG), ajoute : « C’est la première fois qu’une telle séquence sismique associée à une éruption au Nyiragongo est enregistrée par un réseau local de capteurs. La détection de signaux n'apparaissant qu'à très court terme avant l’éruption apporte de nouvelles connaissances primordiales à intégrer à l’avenir dans les méthodes de surveillance de ce volcan par notre observatoire de Goma (mais aussi potentiellement pour d’autres volcans dans le monde présentant une grande quantité de magma stockée proche de la surface). Ce comportement du volcan fut dautant plus inattendu que les deux seules éruptions historiques connues, en 1977 et 2002, avaient été précédées par de forts séismes (M>5) ressentis quelques semaines à quelques jours au préalable ».

Nouvelles menaces ?

L’étude montre également qu’un imposant volume de magma (243 millions de m³) s’est déplacé sous la ville de Goma. « Ce magma s’est rapidement propagé à faible profondeur (à moins de 500 m de la surface) depuis le volcan vers le sud, en passant sous la ville de Goma, pour finalement s’arrêter sous le lac Kivu », explique Benoît Smets, chercheur au Musée royal de l’Afrique centrale et spécialiste du Nyiragongo.

Ce comportement du magma présente de nouvelles menaces liées au Nyiragongo, d’après Benoît Smets : « nos résultats suggèrent que, dès lors que du magma circule à si faible profondeur, il existe un risque d’effusion de lave en pleine ville, d’éruption phréatomagmatique (si le magma entre en contact avec l’eau froide du lac Kivu) ou encore d’éruption limnique du lac Kivu, craint pour l’énorme quantité de CO2 et de méthane dissous dans ses eaux profondes. Ces événements sont potentiellement beaucoup plus dangereux que les trois éruptions connues jusqu’ici. »

L’Institut Royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique a contribué à cette étude avec des données satellites, dans le cadre d’une collaboration avec:

Ce travail a été axé, entre autres, sur le développement d'outils permettant d'améliorer les capacités de surveillance, dans le cadre des projets RESIST et VERSUS (programme STEREO de Belspo). D’une part, les données SO2 de TROPOMI a pu confirmer l’absence de signaux précurseurs. D’autre part, l’analyse de données d’aérosols de l’instrument géostationnaire SEVIRI a permis de mieux comprendre la progression du magma sous la ville de Goma.

 

Source :

 

Contact :

  • Nicolas Theys
    E-mail: theys(at)aeronomie(dot)be
  • Hugues Brenot
    E-mail: hugues(dot)brenot(at)aeronomie(dot)be
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Volcan Nyiragongo en 2017. Crédit, Benoît Smets, chercheur au Musée royal de l’Afrique centrale.
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Volcan Nyiragongo en 2014. Crédit, Benoît Smets, chercheur au Musée royal de l’Afrique centrale.
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Goma, la coulée de lave dévastait une zone densément peuplée. Crédit, Nicolas d’Oreye, Centre européen de Géodynamique et de Séismologie et Musée National d’Histoire Naturelle (Luxembourg).